13/01/2012

Charles P, Berezné A, Guillevin L, Mouthon L

a sclérodermie systémique (ScS) est une affection caractérisée
par la survenue de lésions de fibrose intéressant principalement
la peau et le parenchyme pulmonaire et par l’existence
d’une vasculopathie responsable d’un syndrome de
Raynaud associé parfois à une hypertension artérielle pulmonaire
(10 à 14 % des cas) [1] ou à une crise rénale (10 % des
cas) [2]. En fonction de l’étendue des lésions cutanées, on
sépare les formes cutanées limitées, où la sclérose cutanée est
uniquement distale, correspondant à ce que l’on appelait
autrefois le Crest syndrome, et les formes cutanées diffuses,
correspondant à une atteinte cutanée intéressant la partie
proximale des membres, la face, le cou et quelquefois le tronc
[3]. Dans les formes diffuses de la maladie, les atteintes viscérales
sont fréquentes, l’atteinte interstitielle pulmonaire est
la plus fréquente [3].
L’atteinte du visage est également fréquente au cours de la
ScS, associant des lésions de sclérose cutanée, des télangiectasies,
un amincissement voire un effacement des lèvres,
l’existence de plis radiés péribuccaux, et une diminution de
l’ouverture buccale. La survenue d’une résorption de la mandibule,
pouvant être à l’origine d’une gène esthétique et fonctionnelle
marquée, est encore peu connue. Nous en rapportons
deux observations.
Observations
Observation 1
Une femme de 47 ans, née au Maroc, ayant une ScS diffuse,
compliquée d’une polyarthrite, d’un reflux gastro-oesophagien,
et d’une atteinte interstitielle pulmonaire évoluant depuis l’âge
de 34 ans a été hospitalisée dans le contexte d’une aggravation
de sa maladie. L’atteinte interstitielle pulmonaire évoluait
depuis au moins 8 ans (elle n’avait pas été recherchée à la
phase initiale de la maladie). Du fait d’une dégradation des
épreuves fonctionnelles respiratoires, elle avait été traitée deux
ans auparavant par 12 bolus de cyclophosphamide intraveineux
à la dose de 0,6 g/m2 relayés par de 100 mg/j d’azathioprine
per os en association à 10 mg/j de prednisone.
À l’entrée, la patiente avait des lésions cutanées étendues qui
intéressaient le tronc, le visage et les membres, avec un score
de Rodnan modifié à 36 (encadré). La patiente avait perdu plusieurs
dents depuis le début de l’évolution de la maladie.
L’ouverture buccale était diminuée à 22 mm entre les arcades
dentaires. Il existait une infiltration scléreuse du visage et du
cuir chevelu avec une alopécie, des télangiectasies, des zones
dépigmentées et une encoche au niveau de l’angle mandibulaire
qui n’était pas présente deux ans auparavant (figure 1).
La recherche d’anticorps anti-Scl 70 était positive. La patiente
avait une atteinte osseuse avec une résorption des houppes
des phalanges des trois premiers doigts de la main droite. Les
radiographies de la mandibule montraient une résorption marquée
des 2 angles mandibulaires (figure 2). Il n’a pas été mis
en évidence d’élargissement du ligament alvéolo-dentaire.
Observation 2
Une femme de 57 ans avait une ScS évoluant depuis 26 ans. Elle
avait un syndrome de Raynaud sévère, des lésions cutanées diffuses,
des ulcérations chroniques et une polyarthrite ayant
nécessité un traitement par 10 mg/semaine de méthotrexate
en association à 5 mg/j de prednisone. Après 25 ans d’évolution,
la patiente a développé une insuffisance ventriculaire
gauche. Les lésions du visage étaient importantes avec une limitation
de l’ouverture buccale à 19 mm, une infiltration scléreuse
de la face et du cuir chevelu, des télangiectasies profuses. Le
score de Rodnan modifié était à 48. Elle avait de plus de multiples
ulcères du scalp, des télangiectasies et une dépression
importante au niveau de l’angle de la mandibule qu’elle n’était
pas capable de dater précisément mais qui remontait à plus de
Le score Rodnan évalue la fibrose cutanée en 17 points du corps:
0: peau de texture et d'épaisseur normale
1: peau épaissie restant plissable
2: peau épaissie non plissable
3: peau épaissie et figée sur les plans profonds
Encadré
Évaluation de la fibrose cutanée

Figure 1
La résorption mandibulaire est responsable d’une gêne
esthétique marquée
© DR

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire